Habituelles dans le rythme de nos vies, les dates des différentes célébrations et commémorations font peu l’objet de curiosité. Pourtant, au-delà de jours marqués d’une croix dans un calendrier comme ce 11 novembre, chaque date recouvre un sens profond, et une réalité souvent méconnue qui pourtant fait sens à la mémoire.

Pour ce Tactical Mercredi particulier, nous allons découvrir ensemble pourquoi cette date, ce qu’on commémore, et ce que chacun peut faire à son niveau.

Que commémore-t-on le 11 novembre ?

Le 11 novembre commémore d’abord la fin de la Première Guerre Mondiale bien sûr. Parfois surnommée “suicide de l’Europe”, c’est à l’époque la guerre la plus violente et la plus meurtrière que le continent ait jamais connue, avec près de 19 millions de morts (dont 10 millions de militaires) et plus de 20 millions de blessés, dans une Europe d’alors 450 millions d’habitants (qui comptait pour 1/4 de la population mondiale de l’époque, contre moins de 9% aujourd’hui).

Plus que la victoire (chèrement payée, 1,4 million de morts en France), c’est donc la paix qui résulta de l’Armistice qui est célébrée, dans le souvenir de ceux tombés pour parvenir à sauvegarder le territoire national français.

Si les nationalismes du 19ème siècle ont conduit à un chapelet de guerres dont les désastres de 1870 et de 1914 – 1918, le patriotisme du souvenir permet de ne pas oublier pourquoi, et comment, notre pays a su rester debout.

“Le patriotisme, c’est aimer son pays. Le nationalisme, c’est détester celui des autres.”

Général De Gaulle

Depuis 2012 (loi du 28 février 2012), c’est aussi la date retenue pour commémorer tous les soldats Morts pour la France, c’est-à-dire titulaires suite à leur sacrifice, d’une mention honorifique rappelant leur décès pour faits de guerre, pendant ou après un conflit. C’est un statut d’ailleurs créé pendant la Première Guerre Mondiale, en 1915, et modifié en 1922.

Plaque marquant le carré MPLF d’un cimetière.

Au-delà de la seule Armistice de 1918, c’est donc à tous les soldats français morts en opération depuis 1914 que nous rendons désormais hommage à cette date. Un principe que l’on retrouve notamment dans le Memorial Day des américains (31 mai).

Monument aux morts en Opérations Extérieures, Paris 15ème (image Wikipedia).

11 novembre 1918 : fin de la Première Guerre Mondiale ?

Si nous ne nous lancerons pas dans un long récit historique sur les raisons ayant conduit à l’Armistice de 1918 (voir Wikipédia ou un bon livre d’histoire sur la période pour cela), rappelons quelques éléments de contexte.

Depuis 1914 l’Europe, et le monde via les empires coloniaux et jeux d’alliances, est en guerre. Si tout est parti de l’attentat de Sarajevo, c’est aussi voire surtout une résurgence de tensions franco-allemandes séculaires, aggravées par la défaite française de 1870 et l’impérialisme allemand, et crystalisées depuis par les nationalismes de l’époque (“Gaulois” vs “Germain”, entre autres).

Carte simplifiée de la Grande Guerre.

Première guerre totale et moderne (apparition des véhicules à moteur, chars, trains armés, …), le carnage est violent pour tous les belligérants, et attise les tensions internes à chaque pays. L’Empire Russe, succombe en 1917 à ses propres crises intérieures (2 révolutions d’affilée, avec finish remporté par les communistes qui cessent la guerre avec l’Empire Allemand), l’Autriche-Hongrie s’effondre progressivement jusqu’en 1918, et toute la carte de l’Europe se prépare à d’intenses changements.

Dès l’été – automne 1918, plusieurs pays de la Triple Alliance (Empire d’Autriche-Hongrie, Royaume de Bulgarie, Empire Ottoman) doivent se résoudre à signer des armistices sur les fronts d’Orient et d’Italie.

Dès septembre 1918, l’Allemagne souhaite la fin des combats. De plus en plus de soldats, officiers compris, refusent de se battre, et la décision est prise de négocier.

Les français choisissent la date et le lieu de la signature : ce sera le 11 novembre, symbolique car date de la mort de Saint-Martin de Tours (saint patron des soldats particulièrement en France depuis le Moyen-Âge et dans l’Allemagne impériale), dans une gare de Compiègne jusque-là utilisée pour l’artillerie : Rethondes, à côté de la commune éponyme.

Les négociations dans le train de Rethondes (image ASAF).

Du 08 au 11 novembre, trois jours sont laissés aux négociations, qui sont surtout l’occasion de contraindre les allemands à accepter toutes les conditions. D’autant que l’Empire Allemand s’effondre (l’empereur abdique le 09/11), et que la République tout juste proclamée accepte sans réserve les conditions imposées.

La Clairière de l’Armistice de nos jours.

L’armistice signé, l’arrêt des combats est fixé à 11 heures le même jour. Il doit durer 36 jours, reconductible 3 fois. La dernière reconduction sera sans limite de durée. Ainsi, ce sera vraiment lors de la signature du Traité de Paix de Versailles, le 28 juin 1919, que la fin de la guerre sera officielle et définitive.

De fait, en Hongrie, les opérations continueront jusqu’au 13 novembre 1918, avant que le conflit ne glisse sur une autre dimension : la lutte contre l’expansion communiste. C’est la guerre hungaro-roumaine, menée notamment par l’armée de Franchet d’Esperey (futur maréchal et académicien, dont la promotion 55-57 de l’ESM porte le nom), et qui ne se terminera qu’en 1919.

Franchet D’esperey.

Depuis quand commémore-t-on le 11 novembre ?

Le 11 novembre 1919 n’est pas le premier “11 novembre” tel qu’on le connaît. Des minutes de silence et offices religieux ont lieu un peu partout en France, mais le pays a encore d’autres préoccupations que de commémorer : il faut reconstruire, massivement, et rapidement.

Ville rasée pendant la Grande Guerre.

De fait, le défilé de la Victoire a été fait le 14 juillet précédent, en même temps que la Fête Nationale, et le lendemain de la remise à Foch, Joffre et Pétain qui ouvriront le défilé, de leurs épées de maréchaux.

Défilé de la Victoire du 14 juillet 1919.

En 1920 les cérémonies sont pour la première fois organisées au niveau national. A leur suite, les anciens combattants (soit une très large part de la population masculine ayant accompli son service militaire, donc des électeurs) militent pour que la date devienne fériée.

Chars de Gambetta sous l’Arc de Triomphe, 11 / 11 / 1920 (image Rol ©Gallica / BNF).

C’est chose faite en 1922, et le 11 novembre 1922 sera le premier à commémorer de façon nationale, organisée et codifiée, la fin des combats de 1914 – 1918.

En parallèle, l’hommage à un soldat inconnu, né d’une idée fin 1916 suite à la bataille de Verdun, se concrétise en 1920 par une loi permettant en 1921 l’inhumation d’un Poilu non-identifié sous l’Arc de Triomphe. La flamme est allumée le 11 novembre 1923, par le Ministre de la Guerre André Maginot, lui-même grièvement blessé pendant la guerre, et qui sera plus tard à l’origine de la fameuse ligne censée protéger la France d’une future invasion allemande.

28 janvier 1921 : le soldat inconnu est inhumé sous l’Arc de Triomphe (image TB).

La Flamme est depuis ravivée tous les jours à 18h30, sans interruption même pendant l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre Mondiale !

Ravivage de la Flamme sous l’Arc de Triomphe.

Comment commémorer le 11 novembre ?

Bien sûr, la réponse la plus évidente est : participer aux cérémonies, même si les poilus ont disparu (le dernier s’en est allé en 2011). Sauf que, d’une nous sommes dans une période particulière avec un confinement restrictif, et que deux, participer aux cérémonies ce n’est pas seulement se rendre physiquement devant nos monuments aux morts, érigés sur financements privés (on le dit rarement) dans les années qui suivirent la guerre.

11 novembre 2019 à Rethondes, Compiègne (image Courrier Picard).

C’est aussi contribuer au lien Armée – Nation, que ce soit par l’entraide (dons, associations, mobilisation solidaire, …), le partage du souvenir, la curiosité des faits abordés pour mieux les comprendre, …

Ainsi, on le rappelle trop peu : donner ! Donnez au Bleuet de France (soyons clair : ceci n’est ni sponsorisé ni convenu avec les gens du Bleuet, juste du simple bon sens pour un 11 novembre), association née des souffrances de la Grande Guerre et qui oeuvre au profit des soldats blessés, des familles des blessés et tués, et des victimes d’actes de terrorisme. Le Bleuet de France accompagne les soldats blessés dans leur rétablissement physique et psychique, les familles de militaires et de victimes du terrorisme dans leurs difficultés, contribue à l’opération Colis de Noël, et participe à la mémoire collective.

Vous pouvez aussi bien donner un simple don, même d’un tout petit montant (ça + ça + ça …), que donner en achetant un des produits de la boutique du Bleuet, ce qui en plus permet de soutenir des entreprises labellisées EPV (Entreprises du Patrimoine Vivant) et des Centres d’Aide par le Travail permettant la réinsertion de personnes handicapées.

Fabrication des Bleuets (image La Voix du Nord).

Arborer le Bleuet est aussi un magnifique signe d’attachement au lien Armée – Nation, la fleur de bleuet étant le symbole historique du soldat français (mais aussi allemand aux côtés du myosotis, comme le coquelicot pour les Britanniques et les Flamands, ou la pâquerette pour les Belges).

Bleuets portés (image Bleuet de France).

Et que vous achetiez un bleuet à porter à la boutonnière, en bracelet, en autocollant ou même en masque barrière, assurez-vous de le prendre directement à l’ONACVG, ce que l’on peut trouver en vente un peu partout sur le net ne contribue pas au financement de bonnes oeuvres, ne vous faites pas piéger !

Bracelet Bleuet, discret mais efficace (image Bleuet de France).

Et puisque les commémorations ont pour but principal de nous rappeler le prix humain de toute guerre, s’intéresser aux causes de celles passées pour tenter, chacun à notre niveau, d’empêcher que de prochaines surviennent, est aussi une façon en soi d’accorder du temps au souvenir et à la mémoire. “Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre.” disait Marx.

C’est ce prix humain que l’on commémore, et non une quelconque prétendue glorification des victoires ou défaites comme l’affirment trop souvent certains hostiles à la chose militaire. Ce sont les morts et non le fait de la guerre qui sont honorés, pour le don ultime qu’ils ont réalisé à une cause, un idéal commun. Et en cela d’ailleurs, tout soldat respecte son adversaire (on ne parle pas des terroristes de toutes sortes, autre catégorie), car il partage avec lui des valeurs d’engagement, de devoir, de sacrifice. Ce qui s’est vu à Noël 1914 notamment.

Car c’est par cette mémoire, renforcée de la compréhension des causes et conséquences des faits historiques, qu’on comprend mieux la finalité d’une armée : non pas gagner des guerres, qui ne sont que des moyens, mais protéger sa population des effets de la guerre. Jamais un pays n’a vu sa paix menacée tant que son armée était forte et le lien armée-nation puissant. Par contre, dès que l’un des deux s’érode …

“Se préparer à la guerre est le meilleur moyen de préserver la paix.”

rappelait George Washington, paraphrasant le célèbre “CIVI PACEM PARA BELLUM” de César. Et cela passe aussi par le souvenir.

Alors n’oublions pas 🙂