Après l’annonce de l’arrivée d’une première femme en unité de combat spécialisée chez les U.S. Army Rangers (75th Ranger Regiment – Special Troops Battalion) qui est à coup sûr LA nouvelle de ce début d’année, l’autre grosse nouvelle du mois est celle du changement d’arme de poing de l’armée de terre américaine (U.S. Army) qui abandonne son emblématique Beretta M9 au profit du Sig Sauer P320.

Pour mieux comprendre cette actualité qui dépasse très largement le domaine militaire, nous verrons aujourd’hui les raisons de ce changement, avant d’expliquer le choix du SIG P320 vendredi, et d’aborder ce week-end les conséquences à moyen et long terme dans les domaines militaire, économique, mais aussi d’autres domaines à ne pas négliger: vous verrez lesquels et pourquoi ils sont importants.

Les changements d’arme de service dans l’armée américaine sont de véritables sagas, et durent généralement plus d’une décennie. Pour comprendre l’intégralité de la problématique du pourquoi du changement d’arme actuel, il faudrait un véritable roman… Nous nous contenterons donc d’expliquer pourquoi l’arme actuelle a été adoptée avant d’être abandonnée plutôt que modernisée. Et vous verrez que la vieillesse des PA en service n’est pas le critère majeur, de loin.

 

L’adoption du Beretta M9, toute une histoire …

Rassurez-vous, on vous fait la version courte simplifiée.

Dans les années 1970, l’armée américaine utilise depuis 1911 le bon vieux M1911 puis 1911A1 Colt (la plupart des modèles militaires n’ont pas été fabriqués par Colt mais par Remington, Springfield et Ithaca, entre autres) dont la conception remonte au début du XXème siècle, et la version en service dès les années 30 à 1924 (M1911A1).

Chambrée en calibre .45 ACP et à simple action (1), l’arme est à la fois très facile d’emploi pour un tireur formé à son utilisation, très facile à entretenir, d’une exceptionnelle fiabilité et très facile à maintenir: l’ensemble est un vrai puzzle, et toute pièce défectueuse peut être changée en moins d’1 minute sur le terrain. Ce qui arrive rarement, certains M1911 Mil-Spec (moins ajustés que les versions civiles) ayant tiré 80 voire 100 000 coups sans changement de pièces et sans problèmes.

Ithaca 1911A1 de l'U.S. Army (Source: 1911forum.com).

Ithaca 1911A1 de l’U.S. Army (Source: 1911forum.com).

Pourtant l’Air Force (USAF) acquiert dans les années 50, notamment pour ses pilotes, des revolvers Smith&Wesson M15 en calibre .38 spécial, une munition de faible puissance employée dans des armes à la capacité limitée (6 coups) bien que d’une fiabilité exceptionnelle, comme à peu près tout revolver.

Smith & Wesson K38 Combat Masterpiece Model 15 Standard Issue Revolver - USAF (Image Wikipedia).

Smith & Wesson K38 Combat Masterpiece Model 15 Standard Issue Revolver – USAF (Image Wikipedia).

De leurs côtés respectifs, les autres branches des forces armées américaines ont toujours le 1911 en dotation officielle, mais ceux-ci sont rincés, parfois même simplement par le fait du stockage. Il faut rappeler que la production militaire a cessé après 1945. De nombreux autres modèles d’armes sont donc acquis ça et là, y compris dans l’Air Force.

Culottée, l’USAF demande de nouvelles munitions spéciales pour son revolver fétiche et des fonds pour un nouveau PA en plus. Inévitablement le Congrès pose des questions qui restent sans réponse, et commandite une enquête qui révèle en 1977 que l’USAF a près de 25 armes de poing différentes en service, et plus du double de type de munitions.

La découverte fait scandale, d’autant plus lorsqu’il s’avère que, toutes branches cumulées, ce sont près de 30 modèles différents et près d’une centaine de munitions différentes qui habitent les armureries des armées, achetés aux frais du contribuable.

L’OTAN tournant au 9x19mm, l’idée du 9mm fait son chemin, et celle de la sécurité montée sur la culasse aussi, présente sur les MAC 50 français (2) à simple action et Makarov russes à double action / simple action (DA/SA) (3) récupérés par certains soldats américains au Vietnam. Et surtout, le besoin de chargeurs de plus grande capacité est avéré. Enfin, le calibre du 1911 le rend difficilement maîtrisable par certains.

Le besoin exprimé de changer l’outil pour plus moderne et plus polyvalent, est donc lancé en 1978 le Joint Service Small Arms Program (JSSAP) visant à remplacer toutes les armes de poing utilisées par les différentes branches des forces armées US par une seule, commune.

Il n’est plus question de garder le M1911 qui a trois inconvénients majeurs:

  • son poids (à vide, l’arme pèse plus d’1kg);
  • celui de ses munitions (approvisionnée elle pèse près d’1,5kg), puissantes, mais lourdes;
  • son fonctionnement simple action seulement, moins intéressant et sécurisant que du DA/SA.

Les années 1970 ont vu apparaître un certain nombre de nouveautés, et le Beretta 92, apparu en 1975 est alors l’une des armes de poing les plus avancées du marché: corps en alliage d’aluminium léger et résistant, facilité de démontage et d’entretien, chargeur grande capacité (15 cartouches), platine à double action particulièrement chiadée et couplée à un marteau d’une très grande résistance.

Beretta 92 premier modèle (Image Beretta).

Beretta 92 premier modèle (Image Beretta).

D’emblée le 92 est un best-seller. Ainsi, le Brésil adopte rapidement le 92 comme arme standard, et Israël en commande un bon paquet pour certaines unités et services. Puis les forces de police et de gendarmerie (carabiniers) italiennes, dans une version modifiée à leur demande, intégrant une sécurité en cas de chute de l’arme, le 92S.

En 1979, conformément aux requêtes du programme, toutes les armes en compétition intègrent les mêmes caractéristiques: verrou de chargeur placé de sorte à être utilisable de la main tenant l’arme, platine DA/SA, levier de désarmement du marteau (decocker), entre autres. Beretta s’y conforme et le 92 est modifié en conséquence et devient 92S-1.

Beretta 92S-1 (Image Beretta).

Beretta 92S-1 (Image Beretta).

Les tests sont impitoyables, incluant le tir dans une infinité de conditions climatiques et mesurant la moyenne de la fiabilité sur 8000 coups tirés par plusieurs armes de même modèle. Beretta se classe en tête à 2000 coups sans malfonction en moyenne, contre 748 coups pour les 1911 usés testés.

Mais, pour des raisons inconnues (politiques? esprit de corps? guerres de généraux?), l’U.S. Army dénonce les tests, conduits par l’USAF, et le JSSAP confie la suite des opérations à l’Army, nom de code XM9, X pour prototype, M9 étant destiné à être le nom de l’arme qui sera sélectionnée.

Les tests reprennent en 1981, après énonciation d’un nouveau cahier des charges par l’Army, draconien: 85 points doivent être remplis, 72 sont obligatoires et 13 facultatifs: parmi les plus importants:

  • chargeur amovible de 13 coups ou plus;
  • verrou de chargeur opérable de la main tenant l’arme;
  • premier coup en double action, suivants en simple action (platine DA/SA);
  • fiabilité supérieure à 8 incidents pour 5000 coups tirés;
  • minimum de 800 tirs consécutifs sans incident dans toutes les conditions de tirs;
  • sécurité au pouce ambidextre;
  • decocker;
  • pontet devant doubler comme aide au maintien de l’arme avec la main ne tenant pas la poignée.

Sig Sauer débarque avec son P226 conçu pour remporter les tests, et se classe en tête. Le pistolet introduit une innovation majeure développée par SIG dans les années 70: un decocker monté sur la carcasse, facilement utilisable au pouce et particulièrement sûr et rapide d’emploi. Les SIG SP2022 conçus pour la Police et la Gendarmerie françaises utilisent le même système.

SIG P226 XM9 (Image Sigarms).

SIG P226 XM9 (Image Sigarms).

Beretta revient aussi, avec un 92S-1 amélioré, le 92SB … mais tous échouent, aucune arme n’ayant fait mieux que 600 tirs consécutifs sans incident. Pire, le Beretta se classe après le SIG, et même après les 1911 rincés testés.

Pendant toutes ces années, non seulement les différents compétiteurs ont investi des sommes colossales dans le développement de leurs propositions respectives, mais en plus l’Etat a continué de dépenser l’argent du contribuable pour acheter les munitions et la maintenance nécessaires pour les dizaines d’armes de poing toujours en service, tout en finançant les programmes JSSAP et XM9. Forcément, le Congrès est furieux, des menaces fusent sur le programme et ses responsables, et les fabricants-candidats s’en mêlent en menaçant de procès l’Etat américain.

“On n’obtient pas si facilement vengeance sans justice” – Certes, en angliche c’est plus drôle.

Les tests reprennent donc de force en 1984, et Beretta présente une nouvelle amélioration de son candidat, le 92SB-F, destiné à résister aux pires conditions de tir.

Au final, seuls les SIG P226 et Beretta 92SB-F sortent victorieux sur l’ensemble des tests.

Choisir le gagnant final devient alors simple: il suffit de trouver lequel reviendrait le moins cher à l’Etat américain. Le SIG s’avère moins cher seul, mais les pièces détachées sont trop onéreuses. Beretta remporte le contrat malgré un prix de l’arme seule plus élevé (178,50$ pièce) grâce au coût plus faible de ses pièces détachées (13$ de moins par arme).

 

L’adoption du Beretta 9mm, un choix disputé

Le M9 est donc adopté sous la forme du Beretta 92SB-F. Cependant de très graves problèmes de sécurité apparaissent rapidement: des culasses fabriquées dans un alliage contenant du tellure cassent, plusieurs d’entre elles finissant en éclats dans le visage de leurs utilisateurs, très grièvement blessés.

Rupture de culasse sur un M9 de l'U.S. Army (Source: m4carbine.net).

Rupture de culasse sur un M9 de l’U.S. Army (Source: m4carbine.net).

L’histoire prend une telle ampleur qu’une note interne de sécurité recommande que les culasses des M9 soient systématiquement changées après 3000 tirs, puis carrément après 1000 tirs après un nouvel accident survenu à moins de 3000 tirs.

S’en suivent procès, embrouilles, disputes, coups de théâtre, … Bref, l’arme est encore modifiée de sorte à ce qu’en cas de rupture de la culasse celle-ci ne puisse finir dans le visage du tireur: c’est le Beretta 92FS, désignation militaire M9, dont la version civile ne se différencie de la version militaire que par quelques détails (chargeur 17 coups et visée avant amovible sur le civil).

(oui, leurs pas de tirs ne sont pas trop dégueux … Et pour ramasser les étuis *bonheur* !)

Dès lors, le choix du Beretta face au P226 n’a cessé de faire débat.

SIG remportera finalement d’autres contrats militaires américains avec le P226 et des variantes de celui-ci (SIG P228 alias U.S. M11 notamment), notamment pour certaines unités de la Navy, de l’Air Force, entre autres.

Après de multiples enquêtes, il apparaîtra que les seuls problèmes rencontrés avec les M9 défectueux étaient toujours d’origine humaine: utilisation inappropriée de modérateurs de son expérimentaux, emploi de munitions inadaptées, tirs en conditions aberrantes (trop long à détailler ici).

De plus les culasses furent modifiées, renforcées, sécurisées, et Beretta continuera constamment d’améliorer le M9, maintenu en fabrication jusque très récemment sur le sol américain (dernière commande de 100 000 exemplaires en 2012).

Beretta M9 dans son holster Blackhawk Serpa, août 2006. Comment ça nous avons 10 ans de retard? (Image olive-drab.com).

Beretta M9 dans son holster Blackhawk Serpa, août 2006. Comment ça nous avons 10 ans de retard? (Image olive-drab.com).

L’arme est reconnue pour être d’une fiabilité et d’une précision légendaires. Par la suite, elle fût adoptée dans le monde entier par armées, polices, tireurs sportifs, et notamment en France dans une autre version (92G à decocker simple fabriqué sous licence chez GIAT sous le nom de MAS G1). S’il ne fait pas l’unanimité notamment en termes d’ergonomie et de prise en main, tout le monde reconnaît ses qualités intrinsèques, et de nombreux soldats américains lui doivent la vie.

SGT Kasal, résistance héroïque au pistolet M9, Irak, 2004 (Image americanveteranscenter.org).

Polycriblé après une résistance acharnée pour protéger ses hommes blessés, le sergent Kasal (USMC) est secouru par 2 caporaux des renforts. Irak, 2004 (Image americanveteranscenter.org).

Mais il faut bien remplacer ce qui finit forcément par être usé et HS, et adopter un M9 modernisé ne fut pas souhaité par les soldats US, malgré les tentatives de Beretta.

Pour clore cette partie, petit comparatif entre le M1911A1 et son remplaçant le M9 :

  • poids à vide, sans chargeur : 1105g / 970g
  • capacité du chargeur (condition alpha): 7 (8) / 15 (16)
  • poids approvisionné à capacité du chargeur : 1360g / 1160g
  • coût unitaire maintenance comprise pour le DoD U.S. : 242$ / 263$

Et pour couper court à tout inutile débat sur la puissance d’arrêt de tel ou tel calibre, quelques chiffres parlants:

  • puissance d’arrêt moyenne du .38 Special: 250-320 Joules (suivant la munition / charge);
  • puissance d’arrêt moyenne du 9x19mm Parabellum: 490-560J (NATO FMJ) / 620-680J (NATO FMJ +P);
  • puissance d’arrêt moyenne du .45 ACP: 477J (US Army Ball FMJ) – 702J (Gold Dot +P).

Autant dire que le stérile débat sur la puissance d’arrêt du 9mm ou du 45 est caduque depuis près de 40 ans. Pourtant il refera surface dans les années 2000.

Auxiliairement, vous aurez remarqué que l’armée de la première puissance militaire mondiale n’a pas eu de problèmes d’ego à adopter une arme conçue et développée en Italie par des italiens. Fabriquée aux USA, certes (amendement Berry oblige).

 

L’abandon du M9, une page se tourne

Si depuis les années 90 une demi-douzaine de programmes visant à remplacer le M9 se sont succédés, jusqu’alors aucun n’avait abouti. Il y eut d’autres chats à fouetter (interventions en Afghanistan puis en Irak), d’autres priorités matérielles (faire évoluer l’armement individuel le plus utilisé et particulièrement l’arme principale: la carabine M4 / M16), d’autres priorités économiques (crise économique) etc. etc. etc.

Mais ces programmes, tous autant des sagas les uns que les autres, eurent tout de même lieu, et motivèrent une évolution sans précédent du marché des armes de poing, avec l’apparition d’une foultitude de propositions de nombreux fabricants.

Pendant ce temps-là, le contrat de Beretta fut renouvelé, et une version modernisée, le M9A1 équipé d’un rail avant, entra en service aux côtés de son aîné.

Beretta M9A1 de l'USMC dans son milieu naturel (Image luckygunner.com).

Beretta M9A1 de l’USMC dans son milieu naturel (Image luckygunner.com).

Beretta proposa donc une nouvelle évolution, le M9A3, comme candidat logique à la succession de son poulain.

Beretta M9A3 et ses accessoires (Image Beretta).

Beretta M9A3 et ses accessoires (Image Beretta).

Mais la proposition fut rejetée en 2015, avant que soit initié le programme MHS XM17 (Modular Handgun System, oui, 8ème programme depuis l’adoption du M9). Pourquoi?

Plus les soldats américains utilisaient le M9, moins ils en voulaient.

Une enquête de la Défense américaine sur l’opinion qu’ont les soldats de leurs armes à feu classa le M9 bon dernier:

  • 64% dénonçant son ergonomie et son poids,
  • 76% dénonçant sa précision,
  • 55% dénonçant des problèmes constants avec les chargeurs,
  • 48% critiquant l’impossibilité de monter une lampe ou un désignateur à l’avant (M9A1 pas encore sorti alors);
  • 46% révélèrent avoir une confiance limitée en la capacité de leur M9 à fonctionner au besoin …

Si, dans le cadre des engagements actuels, on peut aisément comprendre le problème de l’impossibilité de monter une lampe sur l’arme, réglé avec les variantes A1 et A3, il faut cependant apporter une nuance aux autres observations.

Un sous-officier d’infanterie de l’U.S. Army interrogé sur le sujet résume nombre de réactions (traduction TRE) :

Plutôt que d’avoir dépensé des sommes folles dans de multiples projets de remplacement du M9, il aurait été plus pertinent d’acheter dès le problème connu les bons chargeurs plutôt que garder les moins chers, et dépenser le reste du budget gaspillé à entraîner correctement nos soldats à opérer et tirer au M9. Et ensuite, en fin de vie, changer d’arme. Les problèmes du M9 sont ce qu’ils sont, et l’ergonomie de l’arme est une catastrophe au combat par rapport à d’autres modèles actuels, à cause du decocker mal situé. Mais le problème est d’abord l’instruction. Le M9 est précis, fiable, les seuls problèmes venant des chargeurs merdiques. Ceux qui disent qu’il n’est pas précis ont été mal formés. Nous avons toute une génération de soldats qui a grandi nourris aux mythes hollywoodiens sur les armes à feu, et en a des attentes irréalistes sur leur facilité d’emploi. Et quand on les envoie neutraliser du hadji ils découvrent que leurs armes ne sont pas des sabres lasers. Et la seule réaction en haut lieu est de changer d’arme plutôt que d’améliorer la qualité des troupes et des instructeurs. Le M9 n’est pas parfait, mais aucun pistolet ne l’est, surtout quand on achète les accessoires au plus faible enchérisseur. Améliorer l’entraînement doit être la priorité, un bon tireur est bon même avec une mauvaise arme.

Restent les critiques sur l’ergonomie, indiscutables :

  • poignée trop grosse, d’autant plus gênant quand utilisé avec des gants;
  • levier de sécurité positionné au mauvais endroit: en armant la culasse, la mise en sécurité est fréquente, pas top (problème que ne connaît que très rarement le G1 français, au fonctionnement différent).

Mais alors, par quoi le remplacer?

Le programme MHS dût déterminer parmi 8 compétiteurs, le vainqueur qui va devenir l’arme de poing des forces armées américaines pour les, qui sait, peut-être 15 à 30 prochaines années, le M9 ayant déjà connu 32 années de service.

Après plus de 15 ans d’atermoiements entre les divers programmes censés trouver un successeur au M9, et surtout après une sévère rutante du chef d’état-major de l’Army, c’est finalement le programme XM17 qui va, en à peine 1 an et demi, aboutir à la sélection du Sig sauer P320.

Sig Sauer P320 XM17 U.S. Army, le remplaçant du Beretta M9 (Source: sigsauer.com).

Sig Sauer P320 XM17 U.S. Army, le remplaçant du Beretta M9 (Source: sigsauer.com).

Mais, suite à une sélection ayant au final reposé essentiellement sur l’offre commerciale (le prix) plutôt que sur les autres critères plus techniques, le P320 va rapidement révéler des soucis de fiabilité (incidents de tirs répétés, casses, …) et pire, de sécurité : il peut tirer tout seul ! Les tests n’avaient pas prévu les chutes sur le coin supérieur arrière de la culasse, la réalité s’en est chargée : près d’une dizaine d’incidents ayant conduit à des blessures sur personnels des forces ont fini en procès pour Sig, qui s’est bien gardé de communiquer sur le sujet, maintenant les affirmations “d’arme dépassant les normes militaires”, et jetant du même coup un certain discrédit sur le principe de “normes militaires”.

Pour résumer, le Beretta M9 a été abandonné à cause de son ergonomie, jugée déficiente voire potentiellement dangereuse par ses utilisateurs militaires (il en va différemment sur un pas de tir civil où les contraintes sont fort différentes), de son poids, et de son gabarit limitant le confort pour de trop nombreux utilisateurs.

Connaissant bien la plateforme 92, nous ne pouvons qu’abonder dans leur sens, ayant vu trop de personnels féminins et même certains personnels masculins se battre avec la taille considérable de la poignée, a fortiori lorsque les gants de combat sont portés, et conscient du problème de la sécurité, que ne connaissent pas les militaires français, le MAS G-1 fonctionnant différemment comme nous l’avons rappelé, malgré l’aspect identique. Il faudrait aussi parler de l’architecture de la culasse, provoquant un relevé assez fort de l’arme par rapport à d’autres plateformes du même calibre, et impactant dès lors la capacité à tirer avec vitesse et précision en même temps.

Pour la partie technique, comparatif sommaire entre le Beretta M9 et son successeur le Sig Sauer P320 :

  • poids à vide, sans chargeur : 970g / 836g
  • capacité du chargeur (condition alpha): 15 (16) / 17 (18)
  • poids approvisionné à capacité du chargeur : 1160g / 1045g
  • coût unitaire hors maintenance et accessoires pour le DoD U.S. : 179$ / 207$

Il est toutefois regrettable que les contraintes économiques aient pesé plus lourd dans la balance que les considérations fonctionnelles et de sécurité du service de l’arme. Comme disent les américains,

“the winner is often the lowest bidder”. Celui qui gagne est souvent celui qui fait l’offre la plus basse.

Espérons que les français ne suivent pas le même chemin quand viendra (enfin !) le moment de remplacer nos vieux MAC 50, qui peut lui aussi tirer tout seul en tombant, mais ne date pas de la même époque (1950 !) et ne prétend au moins pas l’éviter.

 

Notes :

(1) Pour les lecteurs étrangers aux armes: une platine simple action exige que l’arme soit armée (par un mouvement de la culasse dans le cas qui nous intéresse) pour que puisse être libéré le mécanisme de percussion de la munition. Ainsi, sur un pistolet simple action (SA), si le marteau (chien) est à l’abattu, donc incapable de percuter une munition, il faut soit l’armer (le tirer vers l’arrière) si une cartouche est déjà en chambre, soit armer la culasse en la tirant vers l’arrière. Les vieux revolvers de vos westerns favoris sont en simple action par exemple, le chien est tiré en arrière avant chaque tir. Le M1911 comme d’autres pistolets simple action exploite le mouvement de la culasse provoqué par le tir pour armer le chien, rendant ainsi le tir suivant possible sans manipulation complémentaire.

(2) Le pistolet français MAC / MAS 50 est alors très recherché, considéré aux USA dans les années 1960 par les spécialistes comme “the most modern service pistol in the world” (W.H.B. Smith, Small Arms of the world): le pistolet de service le plus évolué au monde. Une affection qui n’est sans doute pas sans rapport avec ses origines. En effet le MAC 50 est une version 9x19mm améliorée du MAS 35S, lequel est une amélioration sur des idées de John Moses Browning lui-même du 1911. Certains passionnés considèrent ainsi le MAC 50 comme la pénultième évolution du 1911, on retrouve d’ailleurs certaines de ses caractéristiques sur de nombreux 1911 et 2011 modernes, de service ou de compétition.

(3) Une platine DA/SA se caractérise par la possibilité de tirer le premier coup marteau à l’abattue, les coups suivants en simple action du fait du recul de la culasse. Couplée à un decocker (levier de désarmement du marteau), c’est une platine très sûre dans un très large panel de configurations et adaptée aux tireurs de tous niveaux. C’est d’ailleurs le système DA/SA qui équipe les pistolets de nombre de services de police dans le monde, dont en France.