En 2017, impossible de faire un article dans les temps pour la Journée de la Femme.
Alors à l’occasion de la Journée de la Femme 2018, nous nous devions de nous rattraper pour évoquer le souvenir d’une illustre oubliée de nos livres d’histoire qui aurait pourtant fait une superbe héroïne de cinéma et ne manquera pas d’inspirer plus d’une : Mademoiselle Sans-Gêne.
Oubliez la femme du Maréchal Lefebvre popularisée par une pièce de théâtre d’un des Sardou et des films plus ou moins bidons au surnom de Madame Sans-Gêne qu’elle n’eût jamais de son vivant, où lui sont attribuées des histoires qu’elle ne vécut jamais.
Pour la Journée de la Femme on vous parle de vrai, de concret, et thème du blog oblige : du guerrier et de l’héroïque m*rd* !
De la fille fragile et dépendante quoi.
La vraie Sans-Gêne, c’est Marie-Thérèse Figueur.
Née en Côte d’Or (Bourgogne) en 1774 d’un accouchement qui coûtera la vie à sa mère, son père est meunier et commerçant, d’une vieille famille de petite noblesse.
Orpheline à 9 ans, élevée par son oncle maternel officier d’artillerie dans l’armée royale, elle soutient discrètement la cause royaliste fédéraliste aux débuts de la Révolution, tandis que son ami d’enfance sert dans les Gardes Suisses, une unité d’élite de la Maison Royale, et survit au massacre des Tuileries.
Sans nouvelles et le croyant mort elle veut le venger et rejoint à 19 ans une batterie d’artillerie fédéraliste commandée par son oncle et combat les troupes républicaines tout en s’attristant du déchirement national.
Faite prisonnière quelques mois plus tard, son courage et son attitude poussent les Républicains à lui proposer de rejoindre leurs rangs.
La cause fédéraliste est perdue, elle n’hésite pas.
Affectée à la Légion des Allobroges et déjà réputée pour son parler direct, ses camarades la décrivent comme aussi séduisante qu’intrépide, et ses supérieurs notent qu’elle est aussi appliquée à l’entraînement que pour aller danser jusque tard en fin de semaine quand la plupart de ses camarades se reposent.
Blessée une première fois lors du siège de Toulon en 1793 toujours où Bonaparte se distingue, elle le traite de “petit moricaud” (en français moderne : sâle bougne …) après s’être faite punir pour un message pas assez vite porté, non moins sous le feu ennemi…
Napoléon officier d’artillerie à Toulon, chargeant les Anglais en compagnie des fantassins (Source image : calanco.fr).
De là elle se voit proposer de rejoindre une unité de cavalerie d’élite : le 15ème Régiment de Dragons, les “Dragons de Noailles”.
Pourtant, pour être Dragon, unité de cavalerie lourde, il faut théoriquement faire plus de 1,73m … Marie-Thérèse ne fait qu’1,60m. Mais ses états de service exceptionnels lui ouvrent les portes de l’unité.
Son surnom de Sans-Gêne déjà bien acquis ne la quittera plus, et elle continue de se faire remarquer par sa bravoure hors normes et son caractère plus trempé que son sabre.
Comme après un intense combat où elle sauve la vie de son général atteint d’une balle à la tête et le ramène sous le feu de l’ennemi qui tue son cheval, d’où elle descend le général, prend le cheval d’un cavalier ennemi, et repart avec le général qui vivra encore 15 ans grâce à elle, finissant député et Connétable de l’Empire.
Comme lorsqu’elle refuse d’être promue caporal.
Epousant un sous-officier du 8ème Régiment de Hussards (autre corps d’élite), elle se fait muter dans son régiment, mais y reste quand il en est muté, avant de repartir dans les Dragons, et de continuer à y écrire sa légende.
Cavalier du 8ème Régiment de Hussards (Image Pinterest).
Lors d’une même bataille, elle reçoit 4 coups de sabre, a 3 chevaux tués sous elle, est faite prisonnière, s’évade, et se fait capturer à nouveau avant de s’évader encore, traversant le camp ennemi en rampant.
En 1800, sur recommandations des généraux Augereau et Lannes, elle est mise en retraite forcée à 26 ans pour convalescence après avoir encore refusé une promotion comme sous-officier, mais reçoit quand même une pension de sous-officier ancien.
Jugeant sa récupération complète, elle se présente à nouveau chez les Dragons en 1802, où elle demande à rester soldat de base. Par sa naissance et son passif militaire on lui accorde de signer en qualité de “gentilhomme volontaire“, distinction permettant alors à des officiers de servir comme, grosso modo, caporal-chef de 1ère classe pour donner un vague équivalent actuel.
Gentilhomme volontaire des Dragons (Image Pinterest).
Invitée lors des occasions officielles, elle dîne avec Napoléon alors Premier Consul et devient dame de compagnie de Joséphine, mais s’ennuie ferme et décide de repartir en régiment.
Augereau devenu maréchal et un bon ami lui propose de devenir l’aide de camp de sa femme (avec rang d’officier supérieur), une autre fan de cavalcades, de sabres et d’armes à feu.
L’Empire arrive et le régiment repart en campagnes : Ulm, Austerlitz, Iena : elle est de tous les combats, et s’illustre à chaque fois.
Les Dragons à Iéna (Image Wikipédia).
Un grave accident de cheval la laisse hors des campagnes 3 ans. Elle reprend le service en 1809, rejoint sur demandes et recommandations un des régiments d’infanterie de la Garde Impériale et combat comme simple soldat en Espagne où elle est capturée et envoyée en prison en Angleterre.
Libérée au bout de 2 ans, suite à l’abdication de Napoléon, elle peut rentrer en France. Elle a 41 ans. On l’affecte aux Chasseurs à Cheval du Roi, qui redevient Chasseurs à Cheval de la Garde au retour de Napoléon.
Chasseurs à cheval du Roi sous la Première Restauration (image Pinterest).
Mais on lui refuse ensuite toute affectation à un poste de combat pour la Campagne de France, et elle ne peut participer à Waterloo. Elle finit donc sa carrière en même temps que l’Empire et comme simple cantinière.
Après la chute de l’Empire, elle monte une entreprise en s’associant avec une autre femme illustre, Jeanne Garnerin, première femme aérostière et parachutiste de l’Histoire : ensemble elles ouvrent un restaurant.
Enfin, en 1818, elle épouse à 44 ans son amour d’enfance le Garde Suisse, devenu adjudant-chef dans une unité d’élite de cavalerie de la Garde Royale après avoir fait, de son côté, toutes les guerres de l’Empire (comme quoi sortir de la Friendzone peut parfois prendre du temps, surtout si les guerres s’en mêlent lol.)
Plus tard elle écrit ses mémoires, et se voit attribuer une pension supplémentaire par Napoléon III.
Elle finit ses jours à l’hospice des Petites Maisons (disparu, rue de Sèvres), en compagnie de Virginie Ghesquière (autre héroïne de l’Empire, surnommée “Joli Sergent” et première femme récipiendaire de la Légion d’Honneur à titre militaire, mais au nom de son frère, autre histoire) et meurt en 1861 à 86 ans.
D’elle restera le compliment d’un des généraux de la République naissante : “je n’ai jamais connu de soldat plus brave“.
Les vertus militaires, humaines et morales de Marie-Thérèse Figueur, alias “Thérèse Sangène”, lui vaudront une véritable légende de son vivant. Napoléon lui-même l’admirait. Elle aura servi l’Ancien Régime, la République, le Consulat, l’Empire, et la Monarchie, se battant pour la France quelque soit le régime.
Héroïne romantique type (engagée par amour dans une guerre, mariée 2 fois avant de finir avec la raison de son engagement seulement à la retraite, sacré scénario !), aujourd’hui oubliée de la plupart, sa place au Panthéon des femmes héroïques est pourtant incontestable. Tout comme pour nombre d’autres de ses contemporaines engagées elles aussi dans les armées de ces temps mouvementés, de quelques côtés que ce soit, français ou étranger, royaliste ou républicain.
Et pour retrouver le 21ème siècle tout en restant dans le thème de cette Journée de la Femme, on vous propose de retrouver notre article sur les femmes dans diverses unités hors normes actuelles :
Une légende. Nul ne sait s'il existe vraiment, la marmotte Milka l'aurait aperçu dans le froid brouillard matinal du côté de FGS il y a de cela jadis des années. Certains disent qu'il ne dort jamais, qu'il court désespérément derrière une plaque de bois avec un vélo fraise, et que, gentleman, il laisserait même à ses ennemis le choix dans la date. La réalité est plus sombre: encerclé par le Cordura, il a du vendre son âme à Dupont pour un bout de Nomex. Réserviste à temps plein et militaire à temps partiel, il fait du bénévolat comme taliban du matos sur TRE faute de vie sociale.
Une de ces très belles héroïnes de notre histoire dont on ne parle hélas jamais, ou dans des versions romancées pour servir telle ou telle idéologie du moment …
Et quand je dis romancées :
– dans une version elle est issue du plus petit peuple possible, sa mère, pas morte en couche, est alcoolique et son père la bat dans l’enfance à la limite d’abuser d’elle ;
– dans une autre elle est tout aussi sortie du ruisseau puis est cantinière toute sa vie, avec des moeurs pour le moins légères ;
– dans une autre encore elle est lesbienne, occultant totalement la belle histoire avec celui qui deviendra son mari.
Bref.
Une fille de choc oui. Soldat, entrepreneur, auteur de ses propres mémoires, elle aura tout fait !
Je suis très surpris de voir Thérèse FIGUEUR sortie de l’oubli ! Bravo pour cet article très bien documenté. Dommage qu’elle n’aie pas eu la L.H. en son temps, largement méritée. Son oncle que vous évoquez, l’Adjudant Major Jean V., l’a eu.
Je connaissais pas, un sacré bout de femme !
Content de vous faire découvrir cette figure !
Une de ces très belles héroïnes de notre histoire dont on ne parle hélas jamais, ou dans des versions romancées pour servir telle ou telle idéologie du moment …
Et quand je dis romancées :
– dans une version elle est issue du plus petit peuple possible, sa mère, pas morte en couche, est alcoolique et son père la bat dans l’enfance à la limite d’abuser d’elle ;
– dans une autre elle est tout aussi sortie du ruisseau puis est cantinière toute sa vie, avec des moeurs pour le moins légères ;
– dans une autre encore elle est lesbienne, occultant totalement la belle histoire avec celui qui deviendra son mari.
Bref.
Une fille de choc oui. Soldat, entrepreneur, auteur de ses propres mémoires, elle aura tout fait !
Je suis très surpris de voir Thérèse FIGUEUR sortie de l’oubli ! Bravo pour cet article très bien documenté. Dommage qu’elle n’aie pas eu la L.H. en son temps, largement méritée. Son oncle que vous évoquez, l’Adjudant Major Jean V., l’a eu.